Parania, jeune paysanne, arrive à Moscou, dans un immeuble de la rue Troubnaïa. Dans l’escalier se croisent ouvriers, employés et nepmen (les patrons des petits commerces privés autorisés en URSS des années 20 par la Nouvelle Politique Economique). Parania est embauchée par le coiffeur Golikov qui l’exploite sans relâche. Son adhésion au syndicat change la donne et sème la panique dans tout l’immeuble… Barnet a fait de cette commande de propagande en faveur des élections au Soviet de la ville de Moscou une véritable comédie burlesque...
Aujourd’hui « La Maison de la rue Troubnaïa » est reconnu comme l’un des chefs d’œuvre du maître. Près de cent années après sa création, le film n’a rien perdu de son charme, de sa légèreté et de son humour.
Il y aurait peu d’intérêt à tenter de reproduire ce qui aurait pu être la musique de ce film il y a un siècle. Néanmoins, pouvons-nous ignorer la polychromie du paysage musical de la Russie d’après la Révolution ? Le romantisme n’est pas encore oublié ; la romance classique reste populaire ; les couplets du style des Boulevards sont largement appréciés chez les « nepman » ; la chanson « odessite », qui puise ses origines dans le folklore yiddish, anime les soirées de certains cercles des grandes villes ; les airs folkloriques authentiques affluent dans les villes avec l’exode rural, vierges des influences de la mode ; les marches optimistes des soviets envahissent les rues ; le chant révolutionnaire fait concours avec le bruit des usines ; et tout cela se reflète de façon surprenante dans la musique avant-gardiste de compositeurs-maîtres comme Stravinski, Prokofiev, Liatochinski ou Tchérepnine joués dans les salles de concert.
Nous nous inspirons de la richesse de cette ambiance musicale pour accompagner le chef-d’œuvre de Boris Barnet. Notre musique donne « à entendre » cette époque mais détourne régulièrement le spectateur-auditeur vers des sonorités des plus contemporaines.